Physique
Il y a des hommes qui, parfois, ne semblent rien dégager. Des hommes qui donnent l'impression de ne posséder absolument aucune aura. C'est un peu le cas de Daniel, qui ne peut que passer inaperçu. Peu importent les circonstances: il pourrait être en ville comme avec un groupe d'ami, il restera toujours la personne avec qui on parlera le moins. Et pour cause: il a un physique plutôt commun. Un mètre soixante-treize pour soixante-dix kilos. Ni trop fin, ni trop athlétique. Des cheveux noirs pour, des yeux noirs (du moins, un œil). Et pourtant, il ne s'agit absolument pas de laideur ou d'expression qui le rendrait repoussant. Bien au contraire. Ce jeune prothésiste a eu la chance d'être doté d'un visage très doux et expressif. On ne s'en rend compte qu'une fois qu'on lui adresse la parole, mais s'il manque cruellement de charisme, il reste cependant un être empli d'une gentillesse exceptionnelle, qui semble émaner naturellement de lui.
Cet aura de gentillesse ressort ainsi lorsqu'on a l'occasion de le connaître, et prend facilement le dessus sur son aspect assez sombre (il porte des vêtements très classiques et souvent noirs ou de couleur froide, en dehors de sa blouse de laboratoire) et même le fait qu'il ait été éborgné. Cela dit, il tente de faire des efforts pour palier ce problème en fabriquant lui-même une prothèse oculaire. Un objet encore à l'état de prototype, mais qui lui permet tout de même d'accéder à quelques options... S'il ne la porte pas, cela ne reste pas un problème pour autant, puisqu'il a une mèche de cheveux qui recouvre, au final, une simple paupière close.
Caractère
Daniel peut être clairement qualifié comme quelqu'un de "foncièrement bon". Mais sans doute à l'excès... En fait, il a toujours été élevé dans l'idée qu'il avait une chance infinie d'être toujours en vie, en comparaison avec le reste du monde. D'un certaine manière, depuis tout jeune, il a toujours été amené à être reconnaissant envers tout le monde. Mais cela ne signifie pas qu'il est soumis au gouvernement imposé dans le Dôme. Au contraire. Il a toujours été du genre à essayer de comprendre le point de vue de chacun. Aussi, s'il ne soutient pas vraiment la cause des résistants, il les comprend d'une certaine manière. De même, témoignant de sa clémence, il a pardonné très vite à la personne responsable de son éborgnement. En fait, il est très naïf et facilement manipulable, puisqu'il essaie de croire en l'honnêteté des gens.
En vérité, la seule chose contre laquelle il est dressé reste l'injustice. Par exemple, s'il trouve normal de montrer aux enfants de Genesis la chance qu'ils ont, il condamne clairement l'endoctrinement, (qu'il a su atténuer grâce à ses parents) qui empêche certains de se faire une idée plus large des valeurs essentielles à la communauté du Dôme.
Au-delà de sa gentillesse et de son sens de la justice, il est quelqu'un de très curieux, qui serait très intéressé (quoiqu'un peu effrayé) à l'idée d'explorer l'extérieur. Il est aussi très engagé à l'idée d'aider son prochain, jusqu'à faire partie des rares personnes capables de dire "non" à un avantage si cela devait aller à l'encontre d'une autre personne. De même, il est quelqu'un de très calme. Lors d'un conflit, il ne chercherait pas nécessairement à défendre le point de vue qui lui parait le plus important, mais il tenterait plutôt de trouver un terrain d'entente. Quand bien même, il serait capable de se défendre physiquement s'il y était contraint.
Histoire
Daniel est né de parents citoyens, d'une classe tout juste moyenne. C'est ainsi qu'il eut la chance de ne pas être influencé par la condescendance des gens des hautes sphères. On lui fit comprendre dès le plus jeune âge qu'il devait respecter le Dôme, car c'était cet endroit qui le gardait en vie. Que c'était normal d'accorder de l'importance à sa propre maison. Mais il apprit aussi à réfléchir par lui-même. Qu'importe la pseudo-dictature qui mettait les hautes sphères sur le devant: ce n'étaient pas elles qui étaient l'image de la vérité. Il s'écarta ainsi facilement de toute la haine des résistants ou même de l'étrange alliance entre le caractère violent et blasé de la plupart des militaires.
Il se contenta de suivre l'exemple de ses parents: sa mère était serveuse dans un bar, et son père était mécanicien. Ils lui avaient toujours fait comprendre que dans ce monde poussiéreux, cela comptait d'apporter de son âme aux autres. Que s'il avait la chance d'être en vie et en bonne santé dans le Dôme, il devait apporter un peu de lui-même aux autres. C'est ainsi que très jeune, il entreprit d'étudier la médecine. Il n'était pas meilleur qu'un autre, mais il restait cependant très motivé, et cherchait toujours à approfondir ses connaissances.
Durant ses études, il rencontra une jeune fille du nom d'Illia. Outre la déformation de naissance qu'elle avait à la main droite, la privant de deux doigts, le jeune homme la jugeait magnifique. Petit à petit, la camaraderie s'était transformée en amitié. Puis, plus tard, Daniel en tomba amoureux. Sans jamais oser l'avouer. Mais cette seule rencontre chamboula clairement son orientation professionnelle, puisqu'il cessa d'étudier la médecine générale pour s'orienter vers la fabrication de cyber-prothèses.
Il finit par exceller dans ce domaine. Bien plus qu'en médecine. Si bien que très jeune (à seulement 24 ans), à force d'économies et grâce à l'aide de ses parents, il put acheter un petit appartement comportant une salle de laboratoire, une autre de consultation et une dernière pour les opérations.
Illia, quant à elle, réussit ses études de médecine avec brio, et eut même une mention suffisamment importante pour travailler dans les hautes sphères! C'est pourtant ce qui causa une tragédie dans la vie de Daniel...
Cet évènement lui fit perdre non seulement un œil, mais aussi un être cher. Et pourtant, malgré tout, il ne garda aucune haine contre qui que ce soit. Il décida de s'en remettre à la fatalité, n'arrivant tout de même pas à se faire à l'idée que les choses s'arrangeraient un jour. Une dépression s'en suivit. Chose qu'il noya dans la fabrications de prothèses un peu spéciales. Il créa alors sa propre prothèse oculaire à laquelle il ajouta quelques fonctions particulières, comme le fait de pouvoir zoomer, d'enclencher une vision avec des rayons X en cas d'opération, ou même d'avoir une vision nocturne. Après cette création, il se plongea en fait dans le travail. Cela dura un an.
Toute cette année là, il ne fit pas qu'apporter une grande aide à ses patients. S'il s'était remit quelque peu de sa dépression, il avait développé une phobie extrême de la mort. Cela le poussa à fabriquer, dans le plus grand secret possible, un type d’exosquelette autonome. Quelque chose qui pourrait lui permettre non seulement de se défendre, mais aussi où il pourrait y brancher son esprit, le stocker. Quelque chose qui lui permettrait de devenir un cyborg, en somme... Un projet fou pour un simple prothésiste. Et pourtant...
Puis sans explication, les lumières s'éteignirent.
Test RP : Mort
Illia aurait dû passer à la maison. Ce n'était pas normal. Elle est toujours à l'heure, d'habitude, et là, déjà une heure, et elle n'est pas arrivée... Daniel ne comprenait pas ce retard. Elle aurait pu très bien le contacter en cas de retard, et même si son opération avait duré plus longtemps que prévu, elle l'aurait appelé, c'était certain.
Car aujourd'hui, Illia supervisait une opération du cœur. Le client était un homme influent des hautes sphères. Un juge, apparemment. On disait de lui qu'il était très droit et que jamais une affaire dans laquelle il aurait intervenu n'avait semblé louche. Une des rares personnes à s'éloigner de la corruption. Daniel n'avait pas de quoi avoir peur avec l'entourage de cet homme aux côtés de son amie. Et pourtant...
Il était déjà 21 heures. C'est là qu'il décida d'agir. Il enfila son manteau habituel, un long vêtement noir, très élégant, qui saurait lui donner une apparence un peu plus formelle lorsqu'il arriverait à la demeure du juge.
Une demi heure plus tard, il arriva enfin. Et déjà, il y avait un problème. Aucune lumière, rien. C'était tout le monde était assoupi ici. Illia l'avait pourtant dit: cette opération se passe chez le juge. C'était quelque chose de secret qu'il ne fallait pas pratiquer dans un endroit public. L’hôpital pouvait être dangereux pour un homme de son influence. Un instant, le jeune prothésiste pensa à la possibilité qu'elle puisse fréquenter l'homme d'une manière plus intime... Chose qui lui brisa le cœur...
Il frappa à la porte. Rien. Une seconde fois, puis une troisième. Toujours rien. Il finit alors par jeter un coup d’œil curieux à travers une des fenêtres du rez de chaussé. Il ne vit d'abord rien d'autre que des ombres, sans doute celles de quelques meubles. C'est là qu'il finit par voir une incohérence. La trousse d'Illia était là, dans le salon. Un salle vide et sombre, et certainement pas un endroit où poser ses affaires de médecin. Et surtout, il y avait un autre détail. Du sang. Une infime tâche sombre, qui aurait très bien pu être n'importe quelle substance colorée et sombre. Il y en avait une goutte sur le cuir brun de la trousse. Cela suffit à mettre Daniel dans tous ses états.
Reprends toi Dan... Il n'y a peut-être rien. Ce n'est sans doute rien d'autre qu'une simple tâche. Juste une goutte suite à l'opération... Mais elle prend tellement soin de ses affaires que ça ne parait pas possible. Elle s'énervait rien que si ses outils étaient posés au mauvais endroit. Ce n'est pas normal qu'ils soient sur le sol. Elle n'est pas comme ça.
Daniel ne put s'empêcher d'attendre. C'était trop étrange à ses yeux. Il ne rencontra aucune résistance lorsqu'il poussa la porte. Et cela le poussa à aller imaginer encore plus choses: qui laisserait la porte de sa propre demeure ouverte la nuit?
Le prothésiste n'alluma pas la lumière. Non pas pour éviter de se faire repérer, mais tout simplement parce qu'il avait peur de ce que pouvait cacher l'obscurité. Il s'avança dans les ténèbres, sans vraiment savoir ce qu'il cherchait. L'inquiétude faisait battre son cœur à une telle vitesse qu'il sentait les pulsations dans ses tempes.
Un instant, il entendit des pas. Juste trois, très près de lui. Il se retourna, vit tout juste une silhouette, et sentit quelque chose de dur et de creux venir lui taper derrière la tête. Il ne sentit pas vraiment de douleur, mais le peu de choses qu'il arrivait à percevoir dans la nuit commençait à se déformer, pour le laisser définitivement dans le noir.
"Je ne savais pas que c'était vous, Everett, résonna une voix rauque, devant lui.
Daniel était adossé à un mur, la tête basculée en avant. Il ne comprit ce qu'on lui disait qu'après une longue émergence.
- Qui êtes-vous?
- Gus. Vous m'avez soigné, une fois.
Le jeune scientifique chercha aussi loin que possible dans sa mémoire. Il se souvint effectivement d'un Gus. En levant les yeux, le colosse noir qui lui faisait face lui confirma sa pensée. En regardant plus bas, il vit la jambe arquée mécanique qu'il avait justement confectionnée à ce géant.
- Que faites vous ici, Gus? répondit Daniel avec peine. Vous n'êtes pas censé être dans les hautes sphères...
- Les gens des hautes sphères ne sont pas censés nous gouverner. On peut dire qu'ils ne sont pas censés être ici. Vous êtes venu pour l'opération, Mr. Everett?
Face à cette question, Daniel ne put que montrer de grand yeux étonnés. Gus, des quartiers pauvres, n'était pas censé être au courant de tout cela. L'homme d'ébène lui répondit alors, pas vraiment étonné.
- Non... Vous venez pour Illia, n'est-ce pas?
Un instant, le cœur du scientifique sembla s'arrêter, pour finalement se serrer. Une douleur intense le prit à la gorge et au ventre. Il imaginait le pire, et en même temps, il tentait de faire tous les efforts possibles pour imaginer le meilleur. Peut-être que t'as tout simplement mal entendu, Dan. Ou alors, il a dit ça, sans vouloir signifier plus. Peut-être que ce n'est qu'un malentendu! Peut-être...
- Elle a hurlé votre nom quand je me suis occupé d'elle, Daniel. Quand je l'ai punie pour avoir conspiré avec les hautes sphères.
Il aurait voulu mourir pour ne plus entendre tout cela. Mais en plus de se sentir vide, comme si son âme était partie en même temps qu'Illia, il était trop faible pour se boucher les oreilles. Il ne savait comment réagir. Seuls ses yeux humides fixaient la prothèse du tueur. L'homme qu'il avait implicitement aidé à accomplir son dessein, en lui permettant de marcher.
- Ils ont envoyé mon fils à la tombe, Daniel. Ils l'ont fait en mettant Mr. Bron en tête de liste des transplantations. Je suis sûr qu'ils l'ont fait parce qu'ils ont su que j'étais un résistant... Ils ont voulu me punir en faisant mourir mon fils. Ils l'ont fait mourir, ce sont les responsables, je le sais. Alors j'ai tué tout le monde. J'ai tué le juge, et j'ai tué les scientifiques. Je ne l'aurais pas fait s'ils n'avaient pas été sur mon chemin, mais c'était le cas. Alors je les ai tués. Je vous aurais tué aussi, si vous y étiez, mais non. Et encore, je vous connais. Vous êtes bon, vous, Daniel. Vous aidez les gens d'en bas, et vous êtes gentils avec les résistants comme moi. Ils le méritaient, pas vous. Vous...
- FERME-LA !
C'était un ton qui ne ressemblait pas au docteur. Cette seule hausse de ton sut faire reculer le géant de quelques pas, accompagnant son geste du son des pistons dont Daniel était l'auteur. Il aurait voulu le tuer sur place. Toutes ses valeurs, sa clémence, sa gentillesse... Tout cela était bien loin de lui désormais. Si seulement il en avait eu la force, il lui aurait fait subir tous les supplices possibles et imaginables... Mais il ne le pouvait pas.
Un regard puissant soutenait les yeux vides et tristes du géant.
- Tu dis avoir fait cela au nom de ton fils, ou de la résistance... Ce sont des conneries que tu te fous dans la tête, mon vieux. T'es aussi lobotomisé que la plupart des habitants ici. Sauf que toi, t'as l'esprit violé par tout ce qu'a bien voulu te faire croire la résistance.
- Arrêtez, Docteur Everett...
- Illia détestait la malhonnêteté de tous ceux qui profitaient des hautes sphères. Jamais elle n'aurait accepté de pratiquer une opération dans les circonstances que tu racontes, mais en plus, le juge était l'un des rares à n'avoir jamais été mis en lien avec des affaires de corruption.
- S'il vous plait...
- La vérité, c'est que non seulement la mort de ton fils n'est la faute de personne, mais en plus, tu n'es qu'un assassin. Elle criait mon nom, tu dis? Cela prouve qu'en plus d'être un tueur, t'es qu'un putain de tortionnaire qui n'a pas hésité à tuer lentement chaque...
- STOP!
- Non, c'est vrai... Tu as raison. Tu n'es pas un tueur. Tu te détournes de tes crimes, en jurant que c'est pour la cause de la résistance, ton fils, ou n'importe quelle autre connerie. Tu n'es pas un tueur. Tu es un fuyard. Tu déteste le Dôme? Rien ne t'empêche de fuir, c'est que tu fais de mieux!"
Daniel était allé trop loin. Le colosse qui lui faisait face ne pouvait plus entendre tous ces mots. Incapable de soutenir la vérité, il sortit un scalpel de sa poche. Sans doute l'un de ceux qui appartenaient à Illia. Le prothésiste eut à peine le temps de voir le reflet nocturne de la lame qu'elle vint se planter directement dans son œil gauche. Ne pouvant supporter la douleur, il s'évanouit immédiatement.
Quand il se réveilla, il était toujours au même endroit. D'ordinaire, il aurait certainement essayé de traiter sa blessure aussi vite que possible. Mais il y avait une autre priorité: Illia. Il dû explorer la maison. Il ne peina pas à trouver ce qu'il cherchait: les victimes étaient dans la salle de réunion, juste à côté du salon. A l'intérieur, le juge reposait, le cœur à l'air libre. Les machines étaient débranchées, laissant la vision du massacre dans un silence pesant. Tous avaient été égorgés, sauf Illia. Elle avait été tailladée, au hasard. Daniel espérait au plus profond de lui, en la voyant, que Gus quitterait le Dôme pour toujours.
Il plongea vers elle, cherchant l'infime reste d'un pouls. Et un miracle se produit. Elle avait ouvert les yeux. Ses seuls iris semblaient illuminer le reste de son corps pâle et meurtri. Elle allait mourir, mais il ne le voyait plus.
"Tu pleures?"
Les larmes coulaient à flots sur les joues de Daniel. Il aurait voulu la prendre dans ses bras, la couvrir de baisers, mais il avait l'impression qu'il aurait pu la briser rien qu'en la caressant. Sanglotant, il lui répondit.
"Je suis désolé, Illia. Je sais que je vais te perdre en disant ça, mais je ne peux pas lui pardonner de t'avoir fait ça.
- Bien sûr que si. Cela prendra seulement le temps qu'il faut."
Il sanglota de plus belle. Puis, en posant son front au creux de son cou, il se rendit fatalement compte de la froideur de son corps. A cet instant, il eut une autre peur: qu'elle parte sans savoir.
"Je t'aime, Illia.
- Je sais... Je m'en suis rendu compte lorsque tu m'as fait cette main."
Elle eut toutes les peines du monde à lever son bras, mais deux petits doigts froids, de métal, vinrent caresser la joue ensanglantée de Daniel.
"Tu as un don pour changer la vie des gens. Et j'en suis le meilleur exemple. Merci d'avoir été là jusqu'à la fin."
Daniel la serra dans ses bras, accueillant sa tête contre sa poitrine. Elle s'y frotta en utilisant les quelques forces qui lui restaient. Puis elle renchérit.
"Je t'aime aussi, Daniel. J'avais seulement peur d'avoir tort. Maintenant que je le sais, je te remercie infiniment de m'accompagner jusqu'au bout."
Elle le serra plus fort encore.
"Merci d'être là à la fin."
Elle ferma les yeux. Ses forces la lâchèrent. Et elle s'endormit pour ne plus jamais se réveiller.
Pour Daniel, c'était bien là, la fin du monde.