Le logement n'était pas des plus spacieux. Du moins selon les critères usuels de la population lambda. Selon son propriétaire en revanche, l'espace et le confort étaient plus que suffisant, surtout pour un homme ayant longtemps connu la joie des baraquements collectifs. Par bonheur, son grade au sein de l'armée lui octroyait le privilège de dire adieu à ce gros - et, de son point de vue, unique - point noir de la vie militaire.

La pièce, bien que modeste, réussissait tout de même à contenir un lit standard, un large bureau au-dessus duquel trônaient des montagnes de dossiers, cartes stratégiques, livres et papiers en tout genre, ainsi qu'une table solide, le tout en gardant suffisamment d'espace pour circuler sans trop de problème. L'air était saturé de cette odeur trop forte de cendre froide laissée par les fumeurs excessifs, et le bruit de la douche emplissait le silence, donnant l'impression sonore qu'un déluge s'abattait.

Mais très vite, ce même silence s'installa à nouveau. Les clapotis de la douche s'étaient tût et il ne fallut que quelques instants avant que la silhouette d'Engel ne sorte de la pièce, vêtu en tout et pour tout d'un pantalon et d'une serviette sur la tête avec laquelle il entreprit de se sécher sans plus de cérémonie. D'une seule main, il se saisit presque sans réfléchir d'un des fins cigarillos qu'il fumait alors, et l'alluma avant d'entendre des coups portés à la porte d'entrée. Étonnant, sachant qu'il n'attendait pas spécialement de visite.

Étonnante plus encore fut la découverte de l'identité de la visite en question lorsqu'il ouvrit après avoir passé une chemise à la hâte, sans même prendre le temps de la boutonner. Pour autant, si le jeune lieutenant avait laissé filtrer sa surprise au travers de ses pupilles grandes ouvertes, il n'en fut pas moins égal à lui-même en avisant le visage de son subordonné et la bouteille de whisky qu'il arborait fièrement.

- La consommation d'alcool est loin d'être appréciée dans la base.

Cette phrase qui tenait lieu à la fois de salutations et de sermon à demi-mots avait été d'un ton parfaitement peu enclin à la plaisanterie. Pourtant, le plus haut gradé ne se fit pas attendre pour arborer cet éternel sourire carnassier et cynique qui était le sien, satisfait. Ce sous-lieutenant était une vraie tête à claques parfois - souvent - mais il lui arrivait d'avoir des propositions forts alléchantes. Aussi s'effaça-t-il pour le laisser entrer.

- Encore en plein travail hein ? Au moins, je constate qu'on ne s'ennuie pas. Conclu-t-il en désignant la bouteille du menton, à la fois sardonique et jovial.